Alors qu'il était tranquillement en train d'expliquer à un élève quelconque la différence entre "migration" et "exode" au hasard des couloirs, Indy aperçut une silhouette familière qui avançait d'un pas pressé, esquivant les obstacles-étudiants comme s'il avait fait ça toute sa vie. Remarquant que c'était Mutt, il se dit que, peut être que oui, il avait même sûrement dû faire ça toute sa vie.
Il congédia l'élève et alla pour rattraper son fils. La façon triomphale dont il avançait l'intriguait particulièrement, et il vit le petit papier dans sa main.

*Bon sang ! Mutt va en cours? Est-ce que c'est la fin du monde? Ou est-ce qu'il a enfin compris l'importance des études...?*

Il pencha plutôt pour la première proposition et dû presser le pas pour garder le contact visuel avec lui. Bon. Peut être qu'il avait fini par s'assagir, après tout? En tout cas, il fallait qu'il aille le féliciter, au moins un peu. Presque pas, alors. Juste un "c'est bien" et une petite accolade. Ou alors non, juste le "c'est bien". Quoiqu'il pouvait peut-être même attendre le repas du soir. Oui, connaissant l'animal, s'il le félicitait en privé, il ne lui mettrai pas "la honte" et ne ferait pas couler sa réputation. Il était sur le point de rebrousser chemin quand il vit le jeune homme entrer dans le vestiaire des filles. Il resta interdit quelques secondes.

*Si je le suis pour l'engueuler et qu'on me trouve là-bas... Je risque d'avoir des problèmes. Déjà que j'ai une réputation de dragueur d'élèves... Mais en même temps, le gamin est là dedans. Et il faut battre le fer tant qu'il est chaud. Tant pis, les autres comprendront.*

Subitement, le fait de parler en public avec Mutt devint un atout majeur. Il espérait bien lui mettre "la honte" et ce, dans les règles. On ne rentrait pas dans le vestiaire des filles comme ça, qui-plus-est lorsqu'il est plein. Il tenta d'oublier les souvenirs monstres que les cris étonnés des jeunes filles lui évoquaient *La belle époque... Celle où ce bon vieux Shannon et moi faisions la tournée des chambres des filles, le samedi soir...* pour se concentrer sur sa cible.

Il parlait avec une jeune fille, dos à la furie qui se rapprochait de lui avec une détermination croissante. Il allait en prendre pour son grade. Lorsque le délinquant juvénile fit volte-face, Indy n'était plus qu'à quelques mètres de lui. A présent, les cris des jeunes filles étaient lointains, et il n'y prêtait plus attention.
Il se planta en face de lui, le toisa de toute sa hauteur (Dieu seul savait à quel point Indiana Jones était grand) et prit son ton le plus froid (et Dieu seul savait à quel point Indiana Jones pouvait se montrer froid lorsque la situation l'imposait).

"Je peux savoir ce que tu fais ici, Ju-ni-or?"

Mutt eut une pointe de surprise dans le regard mais se reprit très vite. Il sourit alors normalement, alors que son père s'approchait dangereusement avec son regard des mauvais jours. Qu'allait-il lui faire pour avoir entré dans le vestiaire des filles ? Vu le regard du paternel cela ne présageait rien de bon.

"Je peux savoir ce que tu fais ici, Ju-ni-or?"

Mutt répondit du tac au tac :

" Je sais pas. Peut être suis je venu faire du tricot mais je sais pas en faire alors ca en revient à... "

Moment de silence, le fils prend son air perplexe tout en faisant semblant de réfléchir et répondit :

" ...Rien. "

Il sourit de sa bêtise alors que Libby lui donna un coup de coude dans le dos pour qu'il arrête de raconter n'importe quoi, mais disons que c'était plus fort que Mutt. Répondre à son père était plus fort que tout. Lui dire la vérité ? Pourquoi pas mais ca ne serait pas drôle. Et voir son paternel en colère était ce qui le mettait de très bonne humeur... ou plutôt d'humeur massacrante. C'était à voir. Bon, ok, il allait pas abuser non plus pour cette fois. Il allait lui parler sérieusement... ou presque...

" En fait, pour tout te dire, c'est mon coeur qui m'a conduit jusqu'ici. Et ne crois pas qu'il m'y a conduit d'autres fois.
- Laisses moi rire, Jones... répondit Libby derrière lui, tout en continuant de ranger ses affaires.
- Non mais... ce que je dis est vrai, disons que d'habitude, c'est une autre partie de mon anatomie qui m'y conduit. "

Il lança un regard suggestif vers le bas. Libby leva les yeux au ciel et ferma son casier assez sèchement, avant de se concentrer sur sa personne, en sortant maquillage et miroir.

À la première réponse de son fils, Indy serra les dents pour résister à l'envie lancinante de l'attraper par l'oreille et lui donner la fessée devant toutes les personnes présentes.

"En fait, pour tout te dire, c'est mon coeur qui m'a conduit jusqu'ici. Et ne crois pas qu'il m'y a conduit d'autres fois."

Indy leva les yeux au ciel. Ce gamin l'exaspérait au plus haut point, sans qu'il sache vraiment pourquoi, au fond.

"Laisses moi rire, Jones...
- Non mais... ce que je dis est vrai, disons que d'habitude, c'est une autre partie de mon anatomie qui m'y conduit. "

Indy adressa un regard à la jeune fille. Est-ce que c'était elle, la raison?

"Pitié, épargne-moi ta prose poétique, ou moins poétique *je t'en foutrai des autres parties de l'anatomie* junior. Maintenant, on va sortir de ce vestiaire et tu vas vite t'expliquer sinon je risque bien de me mettre en colère." Il avait prononcé les derniers mots avec une ironie non dissimulée, soulignant le fait qu'il était déjà hors de lui et utilisant cette formulation comme le bon père de famille qu'il n'était pas.

" Il parrait que se mettre en colère de trop, rend sénile avant l'âge... Mais bon, je crois que pour toi, c'est trop tard. "

Les mâchoires d'Indy étaient à présent tellement serrées qu'il était persuadé qu'au moins une de ses molaires allait exploser sous la pression. Il lui lança un regard assassin. Si les yeux pouvaient lancer des éclairs, Mutt serait actuellement réduit à l'état d'un tas de cendres fumant.

Heureusement que le gamin avait fini par réaliser l'état de colère avancé dans lequel se trouvait son père. Il le suivit, ne peinant presque pas à se retenir de jeter des regards un peu partout autour de lui, jusqu'à l'extérieur, ferma la porte des vestiaires et écouta ce qu'il avait à lui dire.

" Je cherchais ma copine, Sonia pour lui dire un truc suuuuper important ! Attends... "

Là, Indy atteint un niveau d'exaspération encore inégalé. Ses dents étaient tellement serrées que ses tempes en étaient douloureuses.

" J'ai été en cours ! Et ca, c'est la preuve ! T'as vu ? Bon Ok, j'ai pas trop écouté... Je me suis trompé de salle, et je crois même que je me suis assoupit mais bon... J'ai assisté à DEUX heures de cours... "

*Deux heures de cours, pas la bonne salle, pas écouté et il a même dormi. Est-ce qu'on peut considérer ça comme un progrès...?*

Indy attrapa le papier avec la rapidité d'un serpent *non, j'aime pas cette comparaison...* et le parcourut des yeux en prêtant une oreille distraite à ce qu'ajoutait le petit.

" Je vais le donner à Sonia comme ca, elle pourra l'encadrer. J'espère qu'elle sera contente et je suis sur que j'aurais le droit à une série de calins et tout et tout... Enfin le grand jeu quoi ! YES !"

"Alors tu fais ça par intérêt, hein? Ça pourrait pas simplement être inné d'aller en cours..." La dernière phrase était plus pour lui-même que pour Mutt.

Il se concentra sur le papier et fronça les sourcils. Et pour cause, c'était proprement illisible. Il crut reconnaître quelques lettres, le I majuscule *exactement le même que le mien... et que celui de mon père. Ça alors, les mystères de la génétique...* par exemple, mais ce fut à peu près tout.

"C'est ta définition de "prendre des notes en cours" ça, junior?" Il relut le papier, dans l'espoir de saisir au moins le sujet du cours. En vain. "Tu te moques de moi?"

*Remarque, après ses commentaires sur ma "sénilité", ça serait pas trop étonnant.*

Devant la réaction de son fils, Indy se dit que, peut être cette fois, il avait fait un peu fort. Dans un sens, c'était vrai que le gamin s'était trompé de classe, et qu'il s'était endormi, et qu'il n'avait pas prit de notes. Certes. Mais dans un autre sens, il avait tout de même fait l'effort d'aller en cours.

*Mais je suis quand même son père, je vais pas m'excuser pour l'avoir surprit dans le vestiaire des filles non?*

Il soupira.

"Junior !" L'écho se répercuta lui aussi sur les parois du gymnase vide et silencieux.

Indiana vit le petit jeter le papier, mettre sa casquette et sortir tête baissée.
Il resta un moment immobile, puis marcha d'un pas pressé jusqu'à la poubelle. Il attrapa les différents fragments de la feuille, en décolla un vieux chewing-gum et s'empressa de rattraper son fils.

*Ouais, peut être qu'il a raison, dans un sens...* et la simple idée qu'il fasse un complexe d'infériorité face à son père lui fila des picotements dans la nuque. Il en avait lui-même souffert toute sa jeunesse, peut être qu'il pourrait en préserver son fils.

Il dût courir sur quelques mètres pour le rattraper. Il posa sa large main sur l'épaule de son fils et lui tendit le papier de l'autre.

"Je suppose qu'il faut bien commencer par quelque chose... C'est un bon début. La prochaine fois, essaie de ne pas t'endormir..." Son ton était plus doux que d'habitude, presque... tendre? *Certainement pas.*

Puis, il remarqua quelque chose.

"Mutt... tu pleures...?" Toute trace de raillerie avait disparu de sa voix, de son visage et de son esprit à ce moment précis. C'était tellement inattendu qu'il fut prit de court et ne put s'empêcher de se sentir horriblement coupable. Après tout, c'était quand même son fils...

[HJ : je sais j'ai écrit un roman là et encore, je me suis dit que je devais me retenir sous peine de faire 7 pages de RP (comme c'est déjà arrivé ! xD)]

Alors qu'il allait s'en aller, il se fit rattraper par son père. Quand Indiana posa sa main sur l'épaule du garçon, Mutt tourna la tête un peu plus, pour éviter qu'il ne le voit pleurer. Il lui tendit alors le papier qu'il avait déchiré et jeté avant. Mutt ne le prit pas. Il ne le regarda même pas. Il d'abord étonné du ton de voix que son père avait prit juste avant. Ca ne lui ressemblait pas, en tout cas, pour lui parler. C'est alors qu'il fit une remarque sur le fait qu'il était en train de pleurer. Mutt démarra au quart de tour, n'aimant pas qu'on l'attaque sur ses faiblesses. Il repoussa sa main. Le garçon lui répondit, sur un ton bouleversé, dont la voix tremblante montrait qu'il se retenait de ne pas fondre en larmes :

" Non, j'pleure pas. Je suis pas une mauviette. Et j'te vois venir, tu vas te foutre de ma gueule, comme toujours. Parce que de toute façon, je ne retournerais plus en cours. C'est tout... J'ai jamais aimé l'école, et je ne l'aimerais jamais. C'est trop de mauvais souvenirs. De toute façon, tu peux pas comprendre... J'suis sûr que toi, tout le monde t'as toujours adoré. Ca se voit. Je veux plus vivre ce que j'ai vécut à une époque. Tu sais pas ce que c'était ! T'étais pas là quand il le fallait... Tu connais rien de moi ! RIEN ! Alors maintenant, vas t'occuper de tes reliques ou de tes copies et lâches moi un peu. "

Il se mit contre un mur et mit ses mains sur son visage comme pour cacher sa honte. Sa honte de pleurer comme un enfant. Mutt a toujours été sensible comme garçon mais il passe son temps à refouler ses sentiments, à les rejeter... Pour faire le dur, pour ne plus qu'on se moque de lui. L'école, les autres... Il avait réussit à se trouver une motivation pour oublier ces mauvaises choses pour retourner à ses études. Sonia lui avait donné cette envie... Peut être n'était ce pas pour lui, mais pour elle. Il avait pourtant réussit à trouver un soupçon de motivation. Mais son père ne comprenait pas qu'il avait tout gâcher, encore une fois. Juste devenir cancre et rebelle pour se faire accepter des autres. C'était ca... Jamais il n'en parlait à la maison. Il n'avait jamais raconté ce qu'il s'était passé à l'école quand il était au collège. Sa mère ne savait rien... Il accusait toujours des coups qu'il donnait aux autres et qu'il recevait à l'époque, alors qu'il n'avait jamais été ainsi... Se prenant des retenus alors qu'il n'était pas coupable... *C'est lui là ! Quoi moi ? Oui, je l'ai vu jeter un caillou dans la vitre ! Mais j'ai rien fait du tout. Il ment !* On ne l'écoutait pas. Ce qu'il disait n'avait aucun intérêt. Se faisant mettre à pied alors qu'il n'avait rien fait... *Tu t'es encore battu aujourd'hui, Henry ? Je ne sais vraiment pas ce qu'il se passe dans ta tête...* disait sa mère. Alors tant qu'à faire, si c'est pour se faire virer de toute façon... Autant s'amuser à mettre le bazar... Au moins, ca sera justifié. *Ce ne sont que des mauvais souvenirs... Ils ne peuvent plus t'atteindre...* Pourtant...

Les souvenirs ressurgissaient. Pourquoi ? Juste deux heures de cours, une déception et quelques pleurs. Ca lui rappelait les railleries de certains élèves. Il n'avait que 13 ans, mais il s'en souvient comme si c'était hier. Il détestait les autres... Les élèves, les pions, les profs... Ils passaient leur temps à s'acharner sur lui. Pourquoi ? Il faut bien un coupable... Lui là ! Il n'a pas de père, il n'a pas de grand frère, alors... on peut s'en prendre à lui. Les professeurs s'y sont mit ensuite, et pourtant il n'était pas mauvais élève, il était même très bon élève. Premier... Puis on l'a accusé de tricherie. Le fils d'un prof, il était deuxième... Pas premier... Il voulait être premier... Qui croit on ? Le pauvre garçon qui vit avec sa pauvre maman qui a du mal à trouver du travail ou alors le garçon bien sur lui, fils de professeur et aux bonnes fréquentations ? Oui... Le choix était vite fait. On le pointait du doigt. A quoi ca sert de travailler, si après ca, on est accusé de tricherie... ?? Les professeurs ont commencé à passer leur temps à le rabaisser... Il ne pouvait plus voir ses professeurs.

Et lui... Il apprenait que son père était prof... Oui, c'était ce qu'il ne pouvait pas accepter. Il s'attendait à ce qu'il avait toujours eut, des réprimandes, des critiques, des moqueries. De toute façon, c'était toujours à cause de lui. Toujours... Même quand il ne faisait rien. Alors, le garçon ne voulait pas que son père le voit ainsi. Il était vulnérable. Même s'il s'était promis de ne plus être vulnérable. Il ne faisait pas confiance aux professeurs... Il avait du mal à faire confiance à son père. A le voir comme il était. Il devait toujours se mettre en opposition contre lui. De la vengeance ? C'était peut être ca. Il se vengeait sur son père qui n'y était pour rien... Et ca le libérait en quelque sorte. Peut être que s'il avait été là depuis qu'il était petit, il n'aurait jamais subit ca. Peut être...

Et puis, il y avait Greg. Mutt lui tenait tête, mais le garçon avait décidé que Mutt serait sa tête de Turc. Alors que le garçon avait crut échappé enfin à ca. C'était le prix à payer pour être avec Sonia. Il n'avait pas cherché. Juste la goutte d'eau qui fait déborder le vase... Les larmes qui ne peuvent plus être retenues...

Son père le forçait à aller en cours... Sa mère aussi... Ils ne savaient pas réellement pourquoi il ne voulait pas y aller. Ils ne se posaient pas de questions ? En même temps, Mutt cachait tellement bien tout ca... Il ne voulait rien dire. Par fierté ? Oui, c'était exactement ca. Trop fier pour avouer... Pourtant la faille était là. Il avait trop parlé. Il devait se taire... Continuer à faire son sale gosse pour cacher la vérité. De toute façon, on ne le croirait pas. On prendrait ca juste pour de la comédie, comme toujours. Un mytho pour échapper aux sanctions...

Il vit du coin de l'œil, un flot d'élèves arriver. Il prit légèrement peur. Sans faire attention à son père, il pressa le pas pour se mettre en dehors des regards. Les étudiants ne le regardaient pas mais Mutt sentait comme des regards et des doigts pointés vers lui dans des sourires moqueurs. Une impression... Il était blouson noir maintenant, il ne pouvait pas se permettre de pleurer en public. Il se glissa au coin du bâtiment et se posa contre le mur. Il ferma les yeux et respira longuement, pour reprendre son calme. Ca ne le ressemblait pas. Ou plutôt si en quelque sorte... C'était sa peur du regard des autres qui le faisaient agir comme ca.

" Non, j'pleure pas. Je suis pas une mauviette. "

"Junior, attend, écoute-moi..."

" Et j'te vois venir, tu vas te foutre de ma gueule, comme toujours. Parce que de toute façon, je ne retournerais plus en cours. C'est tout... "

"Junior, écoute..."

" J'ai jamais aimé l'école, et je ne l'aimerais jamais. C'est trop de mauvais souvenirs. De toute façon, tu peux pas comprendre... "

"écoute-moi, juste une seconde..."

" J'suis sûr que toi, tout le monde t'as toujours adoré. Ca se voit. "

Indy fronça les sourcils à cette phrase. Il fit un mouvement en avant, puis stoppa net son élan quand il entendit la suite.

" Je veux plus vivre ce que j'ai vécut à une époque. Tu sais pas ce que c'était ! T'étais pas là quand il le fallait... Tu connais rien de moi ! RIEN ! Alors maintenant, vas t'occuper de tes reliques ou de tes copies et lâches moi un peu. "

La vue de son fils s'adossant contre un mur et enfouissant son visage dans ses mains fit littéralement imploser le cœur d'Indy. Il se sentit terriblement mal, comme si tout ce qu'il avait fait depuis le début, même si au fond ça partait d'un bon sentiment, était irrémédiablement mauvais et ne faisait qu'aggraver la situation. Il baissa les yeux, un sentiment de culpabilité monstre s'emparant de tout son être (et c'est pas souvent qu'Indiana Jones ressent de la culpabilité ou se remet en question). Son regard allait de gauche à droite, il réfléchissait. Était-ce un appel au secours que lui lançait son fils? Ou voulait-il vraiment qu'il le laisse tranquille? Il n'arrivait pas à se décider.

*Oh Marion, toi et tes qualités de négociatrice, je crois que vous ne m'avez jamais autant fait défaut que maintenant...*

Il leva la tête, seulement pour le voir s'éloigner alors qu'un groupe d'élèves passait. Il soupira en fourrant ses mains dans ses poches. Il avait fui plus d'une fois, et ça ne lui avait jamais apporté rien de bon. Il avait surtout fui son mariage avec Marion, et il n'était pas prêt de recommencer. Cette fois-ci, il se dit qu'il était temps qu'il fasse face à ses responsabilités d'adulte. (HRP: mieux vaut tard que jamais, comme on dit xD)

Il s'appuya contre le mur à côté de son fils et attendit quelques instants dans un silence quasi-religieux, uniquement troublé par les rires et les voix des élèves qui passaient.

Il soupira et regarda son fils. Il fit un petit rictus à l'idée de devoir faire des concessions, mais après tout, si ça pouvait faire avancer les choses...

"Si tu as quelque-chose à me dire, dis-le... C'est vrai, j'étais pas là avant, mais j'espère qu'il n'est pas encore trop tard... Je ne cherche pas à me racheter, j'imagine à quel point tu dois m'en vouloir... Je sais aussi que t'es dans une situation assez compliquée, et que nos rapports vont pas s'arranger du jour au lendemain. Mais si tu veux parler de quoique ce soit, je t'écoute..."

Il hésita à placer le dernier mot, puis finit par le faire.

"...Mutt."

Pour une fois, et sans doutes la première à peu de choses près, Indiana s'adressa à son fils comme à un égal. Il n'avait plus envie de le rabaisser, car il ne s'était pas rendu compte de l'impact que cette infériorité manifeste avait sur le garçon. L'archéologue n'avait jamais été très doué pour les relations humaines. Sa vie sociale s'était résumée jusque-là à une poignée de personnes qui savait très bien jusqu'où elles pouvaient aller avec lui et pleinement conscientes du fait qu'il se sentait mille fois mieux perdu au milieu d'un dédale de grottes datant du néolithique plutôt qu'en société. Et puis Marion était revenue, ou plutôt il était revenu à Marion, ou plutôt ils s'étaient revenus l'un l'autre d'un commun accord.

Il attendit la réponse de Mutt, se préparant à un rejet total. Évidemment, dans la même situation, à son âge, et avec son père en face, Indy aurait sans doutes réagit violemment. Il se serait enfui et n'aurait pas donné de nouvelles pendant plusieurs années. D'ailleurs, c'est ce qu'il avait fait. C'est suite à une dispute avec son père qu'il avait décidé de rejoindre Pancho Villa et la révolution mexicaine...

" Pourquoi voudrais-tu que je te parle de quelque chose... De toute façon, tu vas aller le répéter à maman... "

Indiana voulut répliquer, mais préféra se taire pour laisser son fils parler. Il était sur le point de se livrer, et dans un sens, ça mettait Indy mal à l'aise. Il était un peu nerveux, la vérité était qu'il avait terriblement peur de ce qu'il allait apprendre.

Il l'écouta attentivement, se penchant un peu en avant pour mieux entendre car le petit lui tournait le dos. Chaque mot lui fendait le cœur, et il sentit presque ses larmes monter au bout d'un moment. Il les ravala, bien entendu, Indiana Jones ne pleure jamais. Mais il ne put s'empêcher de baisser la tête. Encore ce sentiment de culpabilité qui l'envahissait sans qu'il n'y puisse rien. Et le pire de tout, c'est qu'il savait que ce sentiment était fondé.

Il attendit un petit moment après la fin des aveux du petit.

"Tu sais... La décision d'en parler à ta mère ou non n'appartient qu'à toi... Je n'irai pas lui en parler à moins que tu me demandes de le faire. Je te le promet."

Il savait que c'était une bien maigre consolation pour le gamin... Mais il ne voulait pas risquer de l'effaroucher en le prenant dans ses bras. Pourtant, c'est ce qu'il aurait voulu faire. Le prendre dans ses bras, le serrer fort contre lui, le rassurer, lui dire que maintenant, il n'était plus tout seul... Et que le premier qui viendrai lui chercher des poux, au mieux serait renvoyé, au pire se retrouverai avec quelques os cassés et quelques dents en moins.
Il se sentit bête, un instant. Bête d'avoir persécuté ce pauvre petit sans se rendre compte que ses railleries n'étaient rien d'autre que des défenses, comme un animal blessé.

Alors il resta planté là, ne sachant trop que faire, ni que dire. Il se contenta d'observer son fils, sans bouger, attendant une réaction quelconque de sa part.

Lorsqu'il lui fit face, Indy ne put s'empêcher de faire un petit rictus. Il se doutait bien de ce qu'il allait entendre, et rien que l'idée que son fils ait pu souffrir de son absence au delà de l'entendement le plongea dans un espèce de brouillard épais.
Il le regarda dans les yeux, les mains dans les poches.
Et lorsqu'il s'interrompit, le père comprit que son fils se refermait brusquement. Il s'en était douté, de toute façon. *A quoi d'autre tu t'attendais? T'as pas donné signe de vie pendant plus de 20 ans, il en a prit plein la tête à cause de toi et tu crois qu'il va tout te pardonner parce que tu lui prêtes de l'attention? Faut pas te voiler la face, Jones. Ce gamin te hais et ça risque de mettre longtemps pour faire évoluer cette situation.*

Il le vit partir et hésita un instant à le suivre. Peut-être qu'il avait besoin d'être seul? S'il l'avait envoyé balader, y avait sûrement une raison. Et il ne voulait surtout pas l'effaroucher à essayer d'être trop collant. Alors il le regarda s'éloigner jusqu'à-ce qu'il soit hors de vue, puis il s'appuya contre le mur et passa sa main sur son visage et dans sa nuque en soupirant.

"Eh bah, on peut dire que t'es le Roi de la vie sociale, ma parole..."

Tandis que son cerveau tentait de faire le tri dans toutes les informations qu'il venait d'amasser en quelques secondes *J'ose même pas imaginer l'ambiance du repas ce soir à la maison...*, il se mit en marche vers la salle des professeur.

Sur le chemin, il entendit des rires. Ces rires qui lui fichaient des frissons, ces rires moqueurs qu'adressent les étudiants tyrans aux étudiants soumis. Il ne put s'empêcher de se sentir encore plus coupable, imaginant son fils quelques années auparavant se faire racketter... à cause de lui, dans un sens.
Il adressa un regard en direction des susdits rires pour voir que l'élève en question n'était autre que...

*Mutt !*

Il resta un moment immobile, sentant la colère monter. Il serra les poings. Il ne fallait pas se leurrer, il était surtout en colère contre lui-même. Terriblement en colère. La petite veine de son front fit son grand retour (c'est mauvais signe) et il sentit son corps trembler. Pour éviter de tuer le jeune homme, ou plutôt le gorille, qui s'amusait à traumatiser son fils, Indiana jugea bon de se calmer.
Il avança d'un pas calme jusqu'à n'être plus qu'à une poignée de mètres du petit groupe.

"Eh petit, je peux savoir ce que tu es en train de faire?"

Sa voix était calme, posée, elle ne laissait rien transparaître de l'ouragan terrible qui faisait rage actuellement dans sa tête. Pourtant, présentement, ses poings le démangeaient à un point qu'il n'avait pas atteint depuis sa dernière entrevue avec les rouges, le fameux interrogatoire. Et surtout Mac.

Indy vit son fils tenter de se redonner une contenance.

*Si je frappe ce gamin, je risque d'avoir des gros problèmes, et mon fils aussi... Pourtant, c'est pas l'envie qui m'en manque.*

" Ha professeur Jones ? Je ne faisais rien, c'est juste monsieur Williams qui me cherchais des poux. Il m'a insulté, pas vrai les gars. "

Le fait de voir tous les collègues du mastoc acquiescer faillit faire sortir Indy de ses gonds. Il desserra les poings pour se calmer et soupira.

" Ma casquette Sheridan...
- Quoi ? Et il ose réclamer quelque chose en plus ? MA casquette...
- Mais c'est ma casq...
- Voyez professeur, ces blousons noirs sont tous les mêmes... Il cherche les embrouilles et après...
- C'est faux ! Sheridan, tu n'es qu'une enflure. "

Il soupira.

" T'inquiètes... Tu me le payeras. "

Malheureusement pour le gorille, l'ouïe d'Indiana ne lui faisait absolument pas défaut malgré son age, et il sentit une autre vague de colère prendre possession de tout son être. Si ce molosse continuait sur cette voie, Indy risquait de perdre patience très vite, et au diable les conséquences, il se ferait un plaisir de lui casser le nez.

" Comme tu l'as dit pour tout ce que je dois te payer... La liste est longue, personnellement, je ne la compte plus. Alors une menace de plus ou de moins, ca reviendra au même, bouffon. "

*Ah, parce qu'en plus c'est pas la première fois qu'il menace mon fils...*

Il s'appliqua à feindre l'agacement pour cacher sa colère. Il toisa le tyran de toute sa hauteur et parla le plus calmement possible.

"J'en ai rien à faire, de savoir qui a commencé. Dans la situation présente, disons que tu n'es pas vraiment à ton avantage. Tu ferais mieux de le lâcher."

Il désigna Mutt du menton.

"Ceci étant dit, je te conseille vivement de rendre sa casquette à Williams, jeune homme."

" T'as toujours besoin des adultes pour t'en sortir, Williams. Espèce de mauviette... "

Là, si Mutt n'était pas intervenu, Indy l'aurait fait. Dans un sens, c'était mieux comme ça, son fils aurait sûrement moins d'ennuis que lui. Il se dépêcha d'intervenir pour séparer les deux, ce qui s'avéra ne pas être une mince affaire.
Un instant, l'idée que les deux ne s'arrêteraient de se battre que lorsqu'un des adversaire serait mort effleura l'esprit d'Indy, mais il chassa cette mauvaise pensée en attrapant le poignet de Sheridan d'une poigne de fer (il dû d'ailleurs se contrôler pour ne pas le lui briser) *juste une petite pression à gauche, une torsion rapide... rien que ça...* Mais il n'en fit rien. Il tira violemment l'armoire à glace en arrière (et faillit le faire décoller de plusieurs mètres) et s'interposa entre lui et son fils. Le regard qu'il lui lança à ce moment précis avait de quoi glacer le sang à n'importe quel grand méchant nazi. Pourtant, il se doutait que son fils ne voulait pas se sentir trop materné, alors il l'attrapa aussi par l'épaule.

"Ça va pas, non? On ne se bat pas sur le campus, qui plus est devant un professeur ! Vous allez faire un petit détour par le bureau du doyen !"

Il fit signe au troupeau de moutons Sheridaniens de se disperser et, un gamin au bout de chaque main, les tenant fermement par l'épaule, il les traina, de gré ou de force, en direction du bureau de Stanforth.

Arrivés à destination, et ce sans doutes après quelques petites mésaventures, Indy les lâcha et toqua à la porte de Stanforth.

"Entrez." dit une voix nasillarde un peu haut perchée.

Indy ouvrit la porte et fit entrer les deux garçons.

"Qu'est-ce que nous avons là... Greg Sheridan, je crois." dit le doyen en remontant ses grosses lunettes sur son nez. "Dr Jones, hum? Qu'est-ce qui vous arrive, vous faites une tête terrible, on dirait que la croix de Coronado vous est encore passée sous le nez."

Indy ignora la remarque et prit un ton solennel.

"Ces deux-là étaient en train de se battre. Je suppose que nous ferions mieux de ne pas les laisser se faire justice eux-même." *même si c'est pas l'envie qui me manque de coller mon poing dans la face de rat de ce Sheridan*

"Ah, je vois..." Stanforth reporta son attention sur Mutt. "Alors Jones, pas d'imitation de Kermit la Grenouille cette fois-ci?"

Indy fit un rictus à la mention de son nom. *Argh, j'avais oublié ce détail...* Il lança un regard presque désolé à son fils.

Tout se passa très vite dans la tête d'Indy. Premièrement, le molosse avait insulté Marion, et ça ne lui plaisait pas du tout, du tout. Deuxièmement, la lueur qu'il vit dans les yeux de son fils lui rappela celle qui brillait, fut un temps, dans ses propres yeux. Et il savait que, là, s'il n'intervenait pas, le gamin allait sûrement clouer les entrailles du mastoc au mur.
D'un mouvement qui tenait plus du réflexe qu'autre chose, il attrapa son fils par le bras en s'interposant, faisant mur de son corps (même s'il n'avait pas très envie de protéger cette petite ordure de Sheridan), il le saisit par les épaules et le regarda dans les yeux, d'un air qui voulait certainement dire "pas ici, pas maintenant".

Le doyen se redressa subitement derrière son bureau en fronçant les sourcils d'un air désapprobateur.

"Allons, mais ça ne va pas?! Vous n'allez pas vous battre dans mon bureau, quand même ! Ni nulle part ailleurs dans mon université ! Si vous avez des différents, il faudra les régler devant le conseil de discipline comme des gens civilisés, pas comme des sauvages !"

Indy peinait à retenir la furie fulminante dans ses bras, et fut assez impressionné par la force du petit.

"Vous ne pensez pas que..." Il dut faire une petite pause pour assurer sa prise sur son fils. "Le conseil de discipline, c'est un peu exagéré?"

Indy se sentait comme au milieu de sables mouvants. Enlisé jusqu'à la taille, s'il voulait sortir son fils de ce pétrin, il devrait s'y mettre jusqu'au cou. Tenter d'atténuer la sentence du doyen ne ferait qu'attiser sa colère, et même s'il y parvenait, ça voudrait dire que Sheridan aussi s'en tirerait à bon compte.

Voyant que son fils s'était à peu près calmé, Indy relâcha doucement son emprise, avec précaution, prêt à le retenir à nouveau si le besoin s'en faisait ressentir.

Stanforth, lui, était proprement choqué.

"Comment osez-vous proférer de telles insultes dans mon bureau !" Dit-il après avoir ouvert et fermé plusieurs fois d'affilée sa bouche pincée.

"Excusez-moi, Stanforth, et ne pensez pas que j'essaie de prendre parti *même si c'est déjà le cas depuis longtemps* mais... Là, Sheridan l'a bien cherché."

Il jeta un regard au molosse pardessus son épaule avant de reporter son attention sur son fils.

"Pas de ça ici", lui glissa-t-il avant de le pousser un peu arrière, comme pour augmenter la distance de sécurité entre le "fauve et sa proie".

"Je me fiche de savoir qui a commencé." Indy grinça des dents en reconnaissant sa réplique prononcée quelques minutes plus tôt seulement. "Ce sera le conseil de discipline pour tous les deux, et qu'ils s'estiment heureux s'ils ne sont pas renvoyés ! J'exige la présence des parents des deux partis pour mercredi, et vous feriez mieux de calmer votre fils d'ici là."

Grincement de dents, le retour. Jusque-là, Mutt aurait pu plaider l'homonymie pour ce qui était de son nom, mais à présent, sa couverture était foutue. Il fit face au doyen, relâchant quelques instants son attention sur la bombe nucléaire prête à exploser.

"Si je peux me permettre, c'est une décision un peu trop hâtive, et je propose que nous en discutions un peu plus tard, pour le moment les évènements sont un peu trop frais et..."

"S'il vous plait, Henry !"

Allons bon, maintenant il l'appelait par son prénom. Indy leva les yeux au ciel.

"C'est proprement intolérable, et je suis outré que de telles horreurs puissent sortir de la bouche de mes étudiants ! Je ne laisserai pas cette affaire en suspens, croyez-moi. Mercredi. Vous feriez mieux de vous libérer si vous aviez des choses à faire. Vous êtes dans de beaux draps, tous les trois, croyez-moi !"

Indy se montra du doigt en levant les sourcils. Maintenant il le mettait aussi dans l'affaire. *Bon sang, on va pas régler ça devant un tribunal, non plus !*

Mutt avait posé sa main sur son épaule, d'un air compatissant? Peut être? Il ne s'était foutrement pas senti a aussi proche de lui depuis... depuis... Avait-il seulement été aussi proche de lui un jour?

" C'est bon, papa. Ne te mets pas dans le rouge à cause de moi. "

Indy le regarda, afficha un petit sourire l'air de dire "t'en fais pas pour ça, c'est pas comme si c'était la première fois."

" C'est toujours comme ca de toute façon... Laisses tomber... "

Ces dernières paroles lui brisèrent le cœur. Étrangement, le sentiment de culpabilité fit son grand retour, ou peut être pas si étrangement que ça. Non, il était décidé à défendre son fils, en tant que père. Pour une fois qu'il avait l'occasion d'assumer le rôle qu'il avait fui pendant vingt longues années...

Il lui fit une accolade sur le bras, l'air de dire "toi et moi, on est dans la même galère, et on va devoir s'en sortir ensemble".

"Bien..." dit-il en se retournant vers le doyen qui regardait les trois hommes d'un air sévère. "Mercredi, donc."

Il laissa planer un petit silence et soupira. "Je peux vous parler en privé, Stanforth?"

Le doyen acquiesça en se remettant à l'aise dans son grand fauteuil.

"Vous pouvez disposer, et si vous ne venez pas au conseil mercredi, je considérerai ça comme une insubordination du plus haut rang, et ce sera le renvoi direct, arbitraire et sans appel, compris?"

"En attendant, évite-le le plus possible..." Soupira Indy à son fils en désignant Sheridan d'un mouvement de tête. Puis, il ajouta d'un ton plus confidentiel de façon à ce que Mutt soit le seul à l'entendre "S'il continue à te provoquer, dis-le moi. En dehors du campus j'ai aucune raison qui m'empêche de lui faire la tête au carré."