Le jour J était arrivé pour le garçon. Il n'avait pas bien dormit, se demandant ce qui l'attendait pour le lendemain. Il était donc resté allongé dans son lit, à regarder le plafond d'un air absent, attendant Morphé qui lui avait fait faux bon cette nuit là. D'habitude, Mutt ne se faisait pas réellement de soucis pour les conseils de discipline de ce genre... Il s'en fichait un peu... Disons que la situation avait changé. Pour lui... Comme pour son père. Vers 5 h, il se décida à se lever...

Il descendit jusque dans la cuisine. Il était le premier. Il prépara du café, et alla dans le salon, le temps que la cafetière prépare le liquide. Il passa devant la télévision, voulut l'allumer, mais se rappela qu'il l'avait détruite. Il tomba alors lourdement dans le fauteuil et soupira très fort. Il ferma les yeux... Ne rien faire alors qu'une épreuve approche. C'était faire augmenter son stress de plus en plus alors que chaque seconde s'écoulait. Il décida de se lever... Et alla jusqu'à la bibliothèque. Il commença à parcourir des yeux quelques reliures. Il allait attraper un livre mais non... Il n'arriverait pas à se concentrer assez pour pouvoir lire un bouquin, aussi passionnant soit il. Il voulait faire quelque chose de facile, et dont il n'aurait pas à demander l'aide de son cerveau. La seule solution était la télévision, et il l'avait détruite. (sans faire exprès et heureusement xD) Quoi qu'il n'était pas sûr d'avoir un programme à cette heure avancée. Quoi qu'il aurait trouvé une belle occupation à regarder la neige de l'écran d'un air absent. Il n'en faut pas beaucoup pour Mutt à s'occuper... Mais là... Il tournait vraiment en rond. Peut être ferait il mieux d'aller se préparer. * Se passer la corde au cou plutôt... * Il attendait juste son café, et qu'une autre personne soit levée, pour ne pas se sentir trop seul...

Il entra alors précautionneusement dans le bureau de son père. Il n'avait pas le droit d'y rentrer. Seulement quand son père y était présent, mais il devait toujours frapper avant d'entrer... Il jeta un oeil furtif par dessus son épaule, vérifiant qu'il n'y avait personne et il entra. Il se dirigea directement jusqu'au bureau et alla s'asseoir sur le fauteuil de son père. La première chose qu'il vit, se sont plusieurs cadres alignés. Un portrait de son grand père, un autre de lui et de sa mère réunis, et une dernière photo qui intrigua le garçon. Mutt la prit précautionneusement dans les mains. Elle représentait une belle et jeune femme, à côté d'un homme, et un enfant souriant à leur côté. Mutt plissa les yeux et reconnut Henry Jones, puis par déduction, il se dit que l'enfant devait être son père et la femme... Sa grand mère ? Ca devait être ca. Ils semblaient heureux tous les trois. Mutt lui même ne put s'empêcher de lâcher un léger sourire. Il posa le cadre, jeta un oeil à la porte. Personne...

Il se tourna vers les étagères, où était empilés des dossiers, des copies et autres papiers. Il se leva et se dirigea vers les bibelots. Les trouvailles de son père, et ils étaient pour lui la prunelle de ses yeux. * On regarde avec les yeux, comme dirait ma mère... Tu ne touches pas Mutt... * mais chassez le naturel, il revient au galop... Il observa d'abord quelques objets ancien avant de tomber sur une petite boite. Comparé au reste, elle était simple et faite d'un bois rouge. Le garçon tourna un nouveau regard furtif vers la porte, et finit par attraper l'objet doucement.

Il posa sa main dessus, puis l'ouvrit délicatement avec deux doigts. Une mélodie s'échappa alors du coffret.

Music Playlist at MixPod.com

Le garçon se figea alors. C'était une mélodie douce et délicate. Une mélodie qui lui serra le cœur, sans qu'il ne sache pourquoi. Elle la rendait triste ? Comme prit dans cette musique. Il fixait la petite boite, écoutant la musique qui s'en écoulait. Il ne faisait plus attention au reste...

Indy n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Il l'avait passée à observer les ombres des arbres que projetait la lune sur le sol de la chambre silencieuse. Marion dormait paisiblement à son côté, mais il était bien éveillé depuis plusieurs heures maintenant.

Des pensées diverses passaient dans sa tête. Son rapprochement soudain avec son fils, surtout. Le fait d'avoir un fils était une chose relativement nouvelle pour lui, déjà... Les débuts avaient été très difficiles. Mais avec le temps, il avait fini par ressentir de plus en plus d'empathie pour lui. Ou du moins, de le montrer.

Il eut un petit sourire en se rappelant le match de baseball dans le salon, suivi de la bataille de farine dans la cuisine. Mais le souvenir de l'arrivée d'Abner chassa toute forme de sourire de son visage. Il baissa sombrement la tête. Lui qui d'ordinaire faisait preuve d'une très grande distance par rapport à ses sentiments... Mais depuis quelques jours, quelque-chose avait changé. Le quotidien, peut être? Le fait d'avoir décidé d'arrêter d'entretenir toute forme de relation avec les bureaux gouvernementaux, le fait qu'il se voie comme un père de famille typique du cadre de vie rêvé. Le fameux american dream... Une femme qu'il aime, et qui l'aime... Un garçon turbulent... Un père tout aussi turbulent... Une petite maison avec un jardin, un emploi stable et bien rémunéré, des loisirs (même si ses préférés restaient la lecture)... *Il ne manque plus qu'un chien pour parfaire ce petit tableau pittoresque...* Et pourtant, quelque chose manquait. Sa soif d'aventure n'avait pas encore été étanchée, et elle ne le serait probablement jamais.

Il entendit son fils se lever et se rappela que c'était aujourd'hui, le conseil de discipline. Il regarda l'heure. Cinq heure. Trop tôt pour commencer la journée. Le soleil était loin d'être levé, puisque les nuits automnales étaient plus longues que les estivales. Il poussa un petit soupir en observant sa femme endormie. Un léger sourire tendre apparut sur ses lèvres en regardant le visage serein de Marion.

Il entendit vaguement le bruit de la cafetière venant de la cuisine. Apparemment, Mutt non plus n'avait pas dû beaucoup dormir. Mais c'était plus gênant pour un adolescent que pour lui qui en avait bien l'habitude, étant de nature insomniaque. Peut-être que c'était génétique? Quoiqu'il avait déjà vu son fils s'endormir dans des positions et situations hors du commun, et surtout pas très confortables pour se reposer.

Il l'entendit remonter alors que la cafetière était toujours en marche, et choisit ce moment pour se lever. *Finalement, autant aller le rassurer. Je parie qu'il est en train de se demander s'il ressortira de ce conseil de discipline vivant...* Il poussa doucement la couverture pour ne pas réveiller sa femme, posa ses deux pieds nus contre le parquet froid avant de s'étirer, faisant craquer son dos et sa nuque endoloris de cette nuit blanche. Puis, il attrapa une robe de chambre et l'enfila.

Tout à coup, et comme d'un hasard étrange, la cafetière s'arrêta au loin et une musique qui lui serra le cœur résonna dans le couloir. Il n'arrivait pas à se souvenir d'où elle venait, mais elle fit ressortir en lui de très vieux souvenirs enfouis. Des images très diffuses, et des odeurs familières. Un instant, il crut percevoir le parfum musqué de sa mère flotter dans l'air. Il revit la balançoire en bois du jardin qu'ils avaient dans le New Jersey. Il se souvint du goût et de l'odeur de la tarte aux pommes qui refroidissait sur le rebord de la fenêtre donnant sur le jardin.

Comme un serpent sous l'emprise d'un charmeur, il sortit doucement de la chambre, et ses pas le menèrent à son bureau. Il resta sur le pas de la porte, observant son fils qui tenait la boîte à musique d'Anna, sa mère... Qu'il n'avait lui-même jamais réussi à faire marcher... Du moins depuis le décès de sa mère. Il leva la main, confus entre les sentiments mélancoliques qui l'assaillaient et la peur que son fils maladroit ne fasse tomber la boîte. Il attendit que la musique s'arrête et parla d'une voix un peu confuse.

"Tu veux bien... reposer ça... s'il te plait?" Même si ses paroles étaient pleines de reproches, son ton en était très loin.

Indy tourna la tête vers son père lorsque celui-ci prit la parole. Mais il ne le regarda pas. Non, il avait les yeux fixement rivés au sol. Comme s'il essayait de reprendre une contenance. Pourtant, toute trace de colère, de désapprobation et d'assurance avaient déserté son allure. Ses épaules étaient affaissées, sa tête légèrement penchée en avant, ses mains pendant à ses côtés. Il sentait presque ses genoux trembler.

"C’est lui qui as réussit a… Il a réussit a la faire marcher… C’est peut être un signe ou quelque chose du genre… Je ne crois pas en ce genre de chose mais…"

Il voulut parler, mais sa gorge était serrée. Alors il continua de fixer le sol. Il sentait le pelage soyeux de son chien Indiana sous ses doigts, l'impression de voler qu'il avait ressentie en mettant ce chariot sur les rails avec ses amis, il sentait le soleil si particulier du New Jersey lui effleurer les joues, les écorchures sur ses mains lorsqu'il désertait la classe de son père par la fenêtre, tous ces souvenirs auxquels il n'avait pas pensé depuis... A y réfléchir, il n'y avait jamais repensé.

Il leva imperceptiblement les yeux, voyant en vision périphérique son fils qui manipulait la boîte avec mille précautions. Et lorsqu'il le vit sortir un papier d'un double-fond caché, il ne put s'empêcher de prendre une inspiration qui le fit redresser les épaules et la tête.

" Je pense que... Enfin... Ca serait indiscret, si c'était moi qui le lisait. "

La mort de sa mère avait été aussi violente qu'un coup de vent balayant les feuilles d'automne. Du jour au lendemain, son père lui avait appris qu'elle était malade et morte. Il avait voulu le préserver de la peine de savoir sa mère souffrante, mais les deux révélations en même temps avaient été de trop. Elle était partie, on la lui avait injustement enlevée, et il ne lui restait rien d'elle à part quelques photos, des souvenirs, et cette boîte à musique qu'il n'avait pas entendu sonner depuis de très longues années. Et ce mot. Une lueur d'espoir, comme... Il avait toujours eu l'impression de n'avoir jamais eu l'occasion de lui dire qu'il l'aimait, ni de lui dire au revoir. Les seuls souvenirs qui lui restaient d'elle étaient très diffus. Elle était entourée d'une aura lumineuse, bienveillante, un peu comme une apparition divine. D'une tendresse et d'une douceur qu'il n'avait retrouvé qu'en contemplant les pruniers en fleur le printemps de l'année suivant sa mort, à Washington. Chaque souvenir où elle apparaissait était baigné d'une atmosphère et d'un parfum particuliers, ces sentiments impalpables qui remontent à tellement longtemps que vous en venez à vous demander s'ils sont réels, ou si vous les avez rêvés. Il eut un petit sourire en se souvenant de la fois où il lui avait expliqué le processus d'embaumement des momies au dîner, lorsqu'ils étaient dans le bateau pour le Caire... Ce qui avait provoqué une désertion totale de la table de la part de tous les convives, sauf de son père qui avait renchéri par un "Maintenant, mange tes entrailles." en désignant le plat de nouilles.
Et c'était maintenant, à 58 ans, au moment où il doutait même de certains de ses souvenirs que tout lui revenait comme si ça remontait à la semaine précédente, ou même à la veille.

Il ancra son regard dans celui de son fils sans lâcher son léger sourire mélancolique. Il se racla doucement la gorge pour la délier mais sa voix restait néanmoins rauque.

"C'est toi qui a ouvert cette boîte, c'est toi qui a trouvé le mot. Alors, je pense que c'est à toi de le lire." *Un peu comme lorsqu'un archéologue découvre un tombeau qu'il est le premier à fouler...*

Il fit un petit hochement de tête pour l'encourager, se doutant que son père était du même avis que lui.

Son père lui permit de lire le papier. Mutt baissa les yeux vers celui-ci. Même s'il avait envie de le lire, il avait, en même temps peur de découvrir ce qu'il y avait à l'intérieur. Il leva un regard vers son grand père qui ne dit rien. Mutt commença alors à déplier le papier jauni par le temps. Le garçon observa d'abord l'écriture qui avait été faite d'une main délicate et qui devait être pleine de douceur. Mutt se concentra d'abord sur la date. 8 Mai 1912. Il eut alors peur de lire la suite et pourtant... Il prit une grande inspiration et commença la lecture.

" ... Le 8 Mai 1912 au New Jersey

Aux deux hommes de ma vie, les plus importants dans ce monde...
Je vous écris cette lettre, car je sais que j'en ai plus pour très longtemps. En tout cas, je sais qu'il me reste encore assez de force pour vous écrire cette lettre convenablement... "

Mutt stoppa un instant. Une forte émotion monta en lui. Il se racla la gorge et continua dans une voix plus étranglée.

" ... Je... Je suis désolée de vous avoir mentit mais je ne voulais pas vous faire de peine en vous disant que j'allais mourir. J'espère tout simplement que vous ne m'en voudrez pas. Je ne sais pas quand ca arrivera, mais je sens mon corps faiblir chaque jour qui passe... ... J'ai peur de ne pas pouvoir vous dire à quel point je vous aime et que vous comptez beaucoup pour moi. Plus que tout... Désolée de vous avoir mentit mais je voulais que vous ne gardiez pas une image de moi, étant malade et faible... mais de cette femme qui était toujours souriante et près de vous... Sachez que quoi qu'il arrive, je continuerais de veiller sur vous pour... toujours... J'aurais tellement voulut t'accompagner dans ta vie mon petit Junior... Je suis désolée de devoir te laisser ce vide. Henry, je te demande de prendre bien soin de notre fils. Même si je sais que ta passion pour ton travail, on ne pourra jamais te la retirer. J'espère que vous trouverez ce message que j'ai mit dans cette boite. Peut être pas tout de suite... Je ne veux pas vous faire plus de peine encore... Prenez soin de vous.
Je... Je vous aime...
Votre bien aimée Anna. "

Mutt s'arrêta. Une larme tomba sur la lettre et très vite fut absorbée par le papier. Il remarqua qu'il était en train de pleurer. Il ne la connaissait pas, il ne l'avait jamais vu. Elle était sa grand mère... La mère de son père... Cette lettre aurait put être écrite par sa mère. Mais rien que le fait de retrouver ce papier si longtemps après... Il se frotta les joues d'une main, même si des larmes continuaient de couler de ses yeux, dans des pleurs silencieux. Il n'osa pas lever la tête, fixant le papier d'un air absent.

Lorsque Mutt se mit à lire la lettre, Indy ferma les yeux. Au delà du ton hésitant et visiblement ému de son fils, il pouvait presque entendre la voix de sa mère. C'en était presque morbide tant il avait l'impression qu'elle était parmi eux, dans cette même pièce, à ce moment là.

Chaque mot lui fit dresser les poils sur les bras, il avait l'impression que ces paroles s'insinuaient en lui, l'imprégnaient jusqu'aux os. Il la revoyait souriante devant le jardin d'enfant, ou mimant une moue contrariée en voyant son fils revenir de cours bien avant l'heure prévue.

"Sachez que quoi qu'il arrive, je continuerais de veiller sur vous pour... toujours..."

La petite pause que marqua son fils à ce moment le fit tressaillir. Il crispa son visage, comme pour empêcher les larmes de lui monter aux yeux.

"J'aurais tellement voulut t'accompagner dans ta vie mon petit Junior..."

Indy poussa un petit soupir et écrasa une larme sur sa joue. Il n'allait pas recommencer...

"Je... Je vous aime...
Votre bien aimée Anna."

Si Indy n'avait pas tant d'amour-propre et de fierté, il aurait sauté dans les bras de son père et pleuré tout son saoul sur son épaule. Mais il n'en fit rien. Au lieu de ça, il resta immobile, laissant un lourd silence planer, avant d'ouvrir ses yeux rougis de larmes contenues.

Il entendit son père rire, et en fit autant. C'était un rire silencieux, triste, et à la fois heureux. Ses sentiments contradictoires obscurcissaient son esprit, l'empêchant de réfléchir tant il était pris de court.

"Et bien… Même avant de mourir c’était tout le temps la même… Mais… Je dois l’avoir dessus…"

"Je pense qu'il en aurait fallu bien plus que ça pour la décevoir, père..." Dit-il d'une voix faible et rauque.

"Désolé de ne pas mettre occupé de toi comme il faut Junior…"

Indy leva la tête vers son père d'un air étonné. Cette demande de pardon semblait tellement hors de propos et incongrue qu'il ne put s'empêcher de cligner plusieurs fois des yeux pour s'assurer qu'il n'était pas en train de rêver. Il vit son père baisser la tête et aller s'asseoir, le suivant des yeux dans son parcours.

Une fois encore prit de court, mais cette fois il ne trouva pas les mots et se contenta de balbutier.

"J.. Je... Vous... Que... Mais..."

Il avait toujours, au fond de lui, reproché à son père l'éducation stricte et impersonnelle qu'il lui avait donné. Ils en avaient parlé à quelques rares reprises, mais le paternel soutenait que l'éducation en question était exemplaire et qu'il avait été un très bon père. Indy s'était pris à le haïr pour être aussi borné, quand il était adolescent. Mais là, cette révélation était tellement imprévue et étonnante qu'il en resta pantois.

Alors, il ne dit mot, passant de son père à son fils, sans bouger. A vrai dire, il ne savait pas vraiment quoi faire. L'inaction semblait la meilleure solution. Il remarqua alors que son fils pleurait. Devait-il aller le consoler? Il doutait de tout, il avait l'impression que tout s'effondrait comme un château de cartes. Alors il posa sa main bandée contre le seul mur libre de la pièce et enfouit son visage dans l'autre main, sentant ses larmes couler entre ses doigts et tomber au sol dans un "plic" irrégulier.

*Qu'est-ce qui m'arrive?*

Tout devint silencieux alors. Un silence qui pesait et qui rendait l'atmosphère lourde. Son grand père se mit à pleurer. Il vit son père perdre son habituel maitrise de soit. Il pleurait ? Mutt sentit un léger remords. Il ne comprenait pas tout. Mais ils avaient l'air si triste. Le garçon soupira alors. Il posa la lettre sur le bureau et leva d'abord les yeux vers son grand père avant de sourire tristement. Il se tourna vers son père. Il comprit alors son chagrin. Il avait perdu sa mère. Il devait être jeune. Il se rappela alors quand on lui avait apporté la nouvelle comme quoi son beau père venait de mourir à la guerre. Personne ne devrait mourir si prématurément. Mutt ne savait pas trop quoi faire. Il finit par s'approcher de son père et posa une main sur son épaule.

" Ca... ca va aller ? "

Il ne l'avait pas dit seulement pour lui mais aussi pour son grand père. Son père cachait son visage. La honte de pleurer ? Mutt connaissait ce sentiment.

" Papa... On est entre nous... Ce n'est pas une honte de pleurer... Enfin, je sais... C'est moi qui dit ca... "

Il eut un léger rire nerveux. Des larmes revinrent à la charge. Mutt les laissa couler.

" Grand père... "

Il se tourna vers le vieil homme assit dans un léger sourire et pour lui faire comprendre de venir. Il finit par passer un bras autour des épaules de son père et l'amena contre lui. Comme son père avait fait pour lui, Mutt voulut lui montrer qu'il n'était pas seul. Qu'ils étaient une famille uni. Ils étaient heureux. Enfin Mutt se sentait heureux. On dit bien souvent que c'est quand on se sent bien qu'on se lâche plus facilement. Le garçon se sentait bien dans ce nouveau cercle familial. Même si rien n'était jamais ordinaire chez les Jones. De l'espoir ? Peut être un peu oui. Le garçon continua de pleurer silencieusement, pensant à cette femme qu'il n'avait jamais connut mais qui causait tant d'émois... Il pensait aussi à son beau père, mort à la guerre. Il n'était encore qu'un petit enfant, mais il avait bien vu la détresse de sa mère à l'époque. Il avait souffert d'avoir manqué d'une figure paternel pendant des années, même si Oxley avait été là pour essayer de combler ce vide.

" Enfin je ne savais pas que tu allais te mettre à pleurer comme ca… La prochaine fois préviens-moi… "

Indiana esquissa un petit sourire à peine visible, son visage humide toujours caché par sa grande main. Il entendit son fils s'approcher de lui, d'après la vitesse de ses pas il semblait hésitant. Et pour cause, c'était la première fois qu'Indy pleurait devant son fils. Et à y réfléchir, ça ne devait pas être très loin de la première fois qu'il pleurait devant son père également. Peut-être avait-il pleuré à l'annonce de la mort de sa mère? Il ne s'en souvenait plus très bien. Le sentiment de colère, d'injustice et de désespoir qu'il avait ressenti à ce moment là obscurcissait grandement ce souvenir.
Mutt posa sa main sur l'épaule tremblante de son père.

" Ca... ca va aller ? "

Il hocha doucement la tête dans un "oui" silencieux.

" Papa... On est entre nous... Ce n'est pas une honte de pleurer... Enfin, je sais... C'est moi qui dit ca... "

Il essuya un œil avec sa main, dévoilant ses yeux rouges et ses joues humides. Il adressa un sourire à son fils.

Puis il le sentit passer une main autour de ses épaules, et d'un mouvement qui tenait plus de l'impulsion que d'un acte réfléchi, il passa ses bras autour de lui et le serra fort. Il posa son menton sur le haut de la tête de son fils et ferma les yeux à nouveau, les larmes continuant de s'écouler le long de ses joues rugueuses d'une barbe de quelques jours.

Ce n'étaient pas que des larmes de tristesse. Le deuil de sa mère était terminé depuis longtemps -même si souvent il avait l'impression qu'elle était toujours là, comme à présent- et les sentiments violents qu'il avait éprouvés au début s'étaient grandement atténués pour finir par mourir dans un flou artistique, où ils étaient allés rejoindre ses souvenirs d'enfance. Mais là, cette musique avait sorti toutes ces choses des profondeurs abyssales de sa mémoire. Il craquait. Ses nerfs tendus lâchaient, toutes les larmes qu'il avait contenues depuis trop longtemps coulaient maintenant. Il pleura pour la mort de sa mère, pour sa dispute avec Abner, pour l'assassinat d'Alecia, pour la mort de Deirdre, il pleura pour la mort de Marcus, pour l'incendie qui coûta la vie à sept de ses plus grands amis. Il pleura pour sa séparation avec Marion, pour la découverte de son fils... Il pleura pour son soulagement en sortant du dédale de souterrains de la Cappadoce, pour l'air frais qui emplissait ses poumons juste après ses plongeons presque mortels, il pleura pour toutes les balles qui l'avaient effleuré, pour le pistolet d'une quelconque personne malintentionnée qui s'était enrayé alors qu'il était à bout touchant contre son front... Il pleura pour le spectacle de désolation qui s'étendait devant lui juste après cette explosion nucléaire, pour avoir ouvert les yeux et s'être retrouvé seul avec Marion à un endroit où se tenaient des dizaines de soldats nazis, un officier, un docteur-ès-torture et Belloq seulement quelques secondes avant, pour la fois où il avait bien cru qu'il allait finir fusillé par les révolutionnaires mexicains... Il pleura aussi pour avoir eu le réflexe de sauter du tank et de s'accrocher aux racines saillantes, il pleura aussi pour les larmes de son père.
Non, ce n'était définitivement pas que de la tristesse. C'était de l'émotion pure, brute, violente et écrasante. Et les larmes contenues semblaient attendre depuis si longtemps qu'elles ne s'arrêtaient pas.

Indiana Jones n'avait jamais vécu dans le passé. Paradoxalement, il oubliait son passé et allait toujours de l'avant. Plutôt pas banal pour un professeur d'archéologie. Pourtant c'était comme cela qu'il fonctionnait. Comme si ses souvenirs étaient autant de feux de camp qu'il enfouissait sous un tas de sable pour ne pas qu'ils reviennent à l'assaut. Il avait vécu tellement de choses, frôlé la mort tant de fois, vu des choses si étranges, si terribles, si inexplicables, si traumatisantes, il avait tué tant d'hommes et de femmes qu'il avait toujours pensé que s'il laissait son passé reprendre le dessus, il ne pourrait plus vivre l'instant présent.

Pourtant cette fois, il comprit qu'il ne pourrait pas se leurrer. Alors il y faisait face avec un courage réduit, pour un aventurier sans peur. Et tous ces souvenirs, plaisants, déplaisants, agréables, terrifiants, saisissants, émouvants, révoltants, insupportables ou douteux, semblaient être autant de colosses gigantesques. Il se sentait minuscule.

Lorsqu'il accepta enfin de vivre avec ces poids terribles sur la conscience pour faire la paix avec eux, il revint au moment présent. Rien n'avait bougé. Son fils était toujours contre lui, et à y voir de plus près, apparemment lui aussi pleurait. Indiana ouvrit les yeux et poussa un soupir, en écho avec son père.

" Junior ! Arrête tout de suite de pleurer comme ca ! Ce ne se sont pas des manières voyons… Vient pleurer dans les bras de ton père sale mal poli… C’est un ordre… "

Il caressa le haut de la tête de son fils avant de le lâcher, gardant tout de même une main à plat contre son dos.

"Si vous n'étiez pas mon père, je vous dirais qu'en temps normal, j'ai plutôt tendance à mal réagir aux ordres qu'on me donne." Sourit-il, sa voix presque inaudible tant sa gorge était nouée. "Mais c'est demandé si gentiment..."

Son orgueil s'était évaporé, son amour propre oublié, sa réserve habituelle n'était plus qu'un lointain souvenir. Il adressa un sourire à son fils avant de lui tapoter l'épaule dans un remerciement silencieux, puis il se dirigea vers son père toujours assis. Il lui tendit la main pour l'aider à se relever, et une fois le pater debout, il parut hésiter. Il avait envie de le prendre dans ses bras, mais il se rendit compte qu'il ne savait pas trop comment. Une de ces étreintes viriles père/fils, impersonnelle et distante? Ou bien une étreinte tendre? Ou alors cette étreinte primordiale, intense, presque dépendante, lorsqu'il avait failli mourir dans ce tank? Ou encore cette étreinte rapide et maladroite lorsqu'il avait appris la mort de sa mère? A y réfléchir, les deux dernières énoncées étaient les seules qu'il avait jamais partagé avec lui.

Alors il resta planté là, hésitant, sans savoir quoi faire. Sa respiration sifflait dans sa gorge encombrée à cause de sa crise de larme. Maintenant qu'il y pensait, ses larmes semblaient s'être calmées. *C'est pas trop tôt...* Mais quelque chose lui disait qu'elles allaient repartir d'ici peu. Il considéra son paternel sans bouger, pour ce qui sembla durer des siècles.

Son père retira sa main de son visage et il put voir ses yeux rouges et ses joues humides. Oui, il était bien en train de pleurer. Il lui sourit alors, Mutt lui rendit son sourire. C'est alors que son père l'attrapa pour le serrer fort contre lui. Le jeune homme ferma les yeux. Il sentit son père poser son menton sur le haut de sa tête. Il sentit qu'il se remettait à pleurer. Le garçon passa ses bras autour du torse de son père pour l'enlacer lui aussi. Mutt pleura silencieusement. A ce moment, comme aux autres moments de ses faiblesses, il n'avait plus eut peur de montrer certain de ses sentiments. En même temps, il se disait que c'était normal non ? De vouloir consoler son père. De pleurer face à cette lettre d'adieux. De vouloir trouver un appuie chez ses parents dans ces moments difficiles ? Il pouvait maintenant, alors il le faisait. Et puis, il se sentait englobé vraiment dans une famille. Au Diable le conseil de discipline. Même s'il ne s'en sortait pas, cette chose qu'il commençait à connaitre, on ne lui retirera pas... A cette idée, il serra un peu plus son étreinte, collant son oreille un peu plus sur le torse de son père, d'où il entendit la respiration irrégulière coupée par quelques sanglots, ainsi que le battement saccadé de son cœur.

L'étreinte prit finalement fin. Son père lui caressa les cheveux, avant de le détacher de lui. Le garçon ne broncha pas pour une fois, le fait qu'on lui touche ses cheveux. Bon, en même temps, il n'était pas encore coiffé, et il avait sa coiffure spéciale " Je sors du lit. " Avec ses quelques petites boucles folles lui tombant sur le front. Il ne put d'ailleurs pas s'empêcher à la suite de ca, de repousser ces fameuses mèches en arrière. Il se tourna vers son grand père alors que son père lui parlait. Mutt finit par essuyer ses larmes. Il tourna ensuite de nouveau son regard vers son père qui lui souriait avant de partir vers son grand père. Le garçon les regarda attendrit. Il vit alors son père se figer face à son propre père. C'est vrai que ce n'était pas facile, quand on y était pas habitué et puis... il fallait se jeter à l'eau comme on dit.

Comme grand père disait : Espérons que tout ceci soit un signe pour le conseil de discipline !

Comme si la scène qui allait suivre était assez indiscrète et aussi pour enlever un peu de gêne aux deux hommes. Mutt s'avança vers les étagères en détournant le regard. Il parcourait des yeux les différents étages d'un air absent, puis finit par baisser son regard de nouveau sur le bureau pour fixer les cadres. Un silence de plomb s'était installé. Bien vite interrompue par quelque chose, qui fit faire un bond de 10 mètres à Mutt, avant qu'il n'aille se mettre derrière son père et son grand père à une vitesse assez hallucinante. Vous vous demandez quoi ? Alors que le garçon était dans ses songes, en train de regarder les cadres d'un air absent... La boite s'était remise à fonctionner, comme si on avait remonté le mécanisme. En gros, comme si on avait fermé et rouvert la boite pour faire redémarrer la musique. Sauf que ce n'était pas le cas. Étant donné l'atmosphère glauque, le pauvre cœur de Mutt eut faillit avoir une crise cardiaque. Et si fantôme existe, et si Anna soit il... Des histoires de revenants, ca fout toujours les chocottes. Mutt était donc derrière grand père et père, qui le séparait de la boite et lui. Le visage un peu palot, les yeux exorbités et la bouche ouverte. Il leva un regard vers les deux autres et balbutia :

" Des... fantômes... Ca... n'existe pas... hein ? "

Il tourna tout seul en rond comme s'il cherchait quelque chose. Il dit alors :

" Mon café... J'vais boire mon café... J'dois pas être... "

Il sortit en trombe de la pièce, sans pour autant, ne pas faire une de ses sorties spectaculaire, qui aura eut pour mérite de détendre l'atmosphère. Mutt se prit les pieds dans le tapis et tomba en avant dans un "sbong" sonore. Sur le coup, il ne bougea plus et claqua son front contre le parquet en soupirant, puis il se mit à taper poings sur le sol dans une crise de ras le bol. Après ca, il releva la tête puis roula sur le côté pour s'asseoir. Il regarda les deux autres Jones, avant de sourire.

" Pas de commentaires... Je sais... Si la maladresse était un record, je serais déjà dans le Guiness... "

Lorsque son père l'enlaça, Indiana ne sut pas trop quoi faire. Il garda ses mains en suspension dans l'air quelques secondes avant de les poser timidement contre le dos de son père. L'étreinte était douce, spontanée. Il s'était toujours demandé à quoi ressemblaient toutes ces petites choses, la chaleur de son père, entendre sa respiration, son cœur battre... Pour lui, ces choses-là étaient restées un mystère pendant toute son enfance. Et maintenant, il était là, la cinquantaine passée, à enlacer son père et à pleurer toutes les larmes de son corps contre son épaule. Il essuya ses yeux d'un revers de manche à cette pensée, sans pour autant lâcher son paternel.

La boite à musique se remit en route, ce qui fit sursauter son père et son fils.

" Des... fantômes... Ca... n'existe pas... hein ? "

Il esquissa un petit sourire.

" Et bien ton père a bien rencontré un Templier vieux de 800 ans, Des Extra Terrestres et même des Dinosaures a ce qu’il parait alors bon a mon avis l’apparition d’un Fantôme est plausible même si Anna doit être au paradis et non sur terre. "

Il tourna la tête, relâchant un peu son père pour s'adresser au deux en même temps.

"Si vous saviez tout ce que j'ai pu... "rencontrer" dans ma vie, vous me placeriez à l'asile psychiatrique..." Dit-il, les gratifiant d'un rire coloré, bien qu'un peu rauque.

Lorsque Mutt tomba parterre, il ne put s'empêcher de rire ouvertement. Ce n'était pas un rire méchant, ni railleur, c'était simplement de l'attendrissement... Il se demanda furtivement à quoi avait ressemblé le jour où Mutt avait fait ses premiers pas, et son rire s'atténua doucement lorsqu'il se maudit de ne pas avoir été là à ce moment.

« Mutt … C’est ca ton surnom ? C’est bien gentil de m’avoir rappelé de vieux souvenir mais tu as un conseil de Classe a Gagner Gamin ! Et c’est bientôt l’heure ! »

"Ouais..." Commenta Indy en frottant son menton hérissé de poils gris, ayant finalement rompu l'étreinte avec son père sans trop s'en rendre compte. "ça ne peut décemment qu'être un bon signe."

Il alla aider son fils à se relever, et une fois le petit debout, il le gratifia d'une accolade virile et d'un sourire, puis quitta la pièce pour aller se raser. Il fallait bien qu'il ait l'air présentable pour le conseil...