"Un peu que ça doit lui dire quelque chose."

Indiana descendit les marches de l'escalier, ses lunettes datant d'une époque depuis longtemps révolue trônant sur son large nez, un livre dans les mains, en robe de chambre. Il avait passé la journée à préparer les sujets des examens de premier semestre, et donc, n'était pas dans sa meilleure forme, ni de très bonne humeur.
Et pour couronner le tout, le nom de René Belloq venait parasiter sa petite vie parfaite.

Il s'approcha de l'étranger à l'accent indéfinissable, mais qui lui disait vaguement quelque chose, en fermant son livre d'un claquement sec.

"Belloq était un peu comme mon alter-ego quand j'étudiais sous la tutelle du professeur Ravenwood. Faut croire qu'il a préféré devenir mon némésis. Il a choisi son camp."

Indy tendit la main, intrigué par les traits du visage de cet homme qui, décidément, lui disaient quelque chose. Ils évoquaient pour lui une odeur de papier neuf des bureaux du gouvernement, le bruit des ventilateurs poussiéreux, une sensation proche de la claustrophobie. Mais le tout n'était pas tellement déplaisant. Il se sentit rajeunir d'une bonne vingtaine d'années.

"Henry Jones Junior, se présenta-t-il. Désolé pour l'attente, j'avais un boulot urgent à boucler. Vous m'êtes familier, on s'est déjà rencontrés?"

Schelson s'apprêtait à partir quand, à sa grande surprise, Henry Jones, l'homme qu'il attendait, arriva au rez-de-chaussée. Le français sourit en voyant dans quelle tenue l'homme était. Il alla pour lui serrer la main, mais l'homme passa tout de suite aux explications sur René Bellocq, l'objet de sa visite. Puis il lui sembla avoir déjà rencontré la personne, mais il ne savait plus où. En regardant l'homme, le début d'un nom vraisemblablement d'origine allemande refaisait surface dans son esprit, "Klaus von ...". L'agent des sevices secrets français pensa une fraction de seconde qu'il faisait erreur sur la personne. Puis l'homme se présenta. Et oui, c'était bel et bien Henry Jones Jr.. Puis Jones lui posa la même question que Schelson voulait poser, s'ils s'étaient déjà rencontrés.

-Hum... Je ne sais pas. Peut-être lors d'une mission... Peut-être si vous connaissez un allemand dont le nom commencerait par "Klaus von...", répondit l'agent français, tout en imitant un accent allemand dans ses derniers mots.

*Humpf, y en a plein des Klaus von en Allemagne, c'est vrai..."

-On a sans doute se rencontrer pendant que je chassais cet homme. Je suis spécialiste dans la traque de néo-nazis.

"Klaus Von...? C'est presque pire que les Lapp chez les amish ou les Dupont chez les français." Dit-il avec un léger sourire. "Ça me dit vaguement quelque chose, en tout cas. En tout cas, soyez le bienvenue en Amérique, monsieur Schelson."

Le français lui livra le fin mot de l'histoire à propos des néo-nazis, et le déclic se fit instantané dans la tête d'Indy.

"De néo-nazis, hein? Ça me revient, maintenant. Vous êtes un gratte-papier, un peu, non? C'est un métier honorable. Vous voulez boire quelque chose?"

*Bon ça suffit les modalités maintenant.*

Indiana n'attendit même pas sa réponse pour entrer dans le vif du sujet avec une impatience non dissimulée.

"Vous parliez de René Belloq tout à l'heure, pas vrai? Désolé pour vous, il est mort. Je peux pas vous dire comment, mais il est bien mort. Ma femme pourra en témoigner avec moi." Il désigna Marion d'un mouvement léger de la tête. "C'était en 1933, je crois bien. Quelque part en Égypte, je ne sais pas précisément. Si vous avez les autorisations, vous pouvez consulter les dossiers à Washington. Son casier est bouclé depuis plus de 20 ans maintenant."

Schelson en conclut que sa visite de Schelson aura été totalement inutile si l'on en croyait les explications de Jones, Bellocq, le mercenaire sur qui on l'avait chargé d'enquêter, étant mort. Il sortit de sa poche une photo de René Coty, le président français actuel et tendit son autre main qui n'était pas occupée vers Jones, le sourire au lèvres en lui disant:

-Bon, eh bien. Je crois je vais m'en aller. Merci de l'information, monsieur Jones. Voilà une photo de notre président, monsieur René Coty. C'est un peu notre Eisenhower à nous. Il vous gardera.

Schelson reprit sa valise posée à coté du fauteuil, remit les photos d'identité de René Bellocq qu'il avait posée sur la petite table basse et se hata vers la porte d'entrée, quand des grands cris et un grand bruit sourd se fit entendre. En ouvrant la porte, il pencha sa tête vers l'extérieur et regarda de tous cotés pour comprendre ce qu'il se passait. Dans un buisson, un jeune homme d'une vingtaine d'années était avachis dans l'herbe, rampant sans faire de bruit, et répètant qu'il était un escargot. Devant ce spectacle, le français fit deux pas vers l'avant, l'air ébahis, la bouche ouverte et ne bougea plus d'un cil.

*Ils sont fous ces amerloques... Ou bien mon imagination me joue des tours ?*

*Tout de même, faire tout ce chemin pour rien...* Indiana, qui était d'ordinaire sauvage et un tantinet égoïste dans ce genre de situation, s'imagina à la place de l'étranger. Traverser l'Atlantique, en bateau peut-être, ou alors en avion (et on ne pouvait pas dire que les avions de cette époque étaient très confortables) pour enfin arriver à destination, devoir reprendre ses valises sitôt posées pour repartir aussi sec...
Il retira ses lunettes et les posa sur la table basse à côté de lui puis observa la photo que le français lui offrait.

"Merci..." Dit-il dans un français à la prononciation quelque peu approximative.

Il le regarda s'éloigner en soupirant, puis prit sa décision. Il ne pouvait pas le laisser partir comme ça. Ils avaient une chambre d'amis qui était libre, il pourrait y passer quelques jours le temps de se remettre de son voyage avant de repartir. Indiana allait pour lui offrir l'hospitalité quand un bruit sourd se fit entendre.

Un simple regard vers Marion lui fit comprendre la source du problème.

"Mutt."

Il sortit sur les talons du français.

*Pourvu qu'il ne se soit pas blessé, cette fois...*

Tandis que Schelson restait ébahit devant le spectacle qui s'offrait à lui, Indiana dût faire de gros efforts pour ne pas éclater de rire. Il fallait qu'il ait l'air sévère, mais ce fut encore plus dur quand il entendit le mantra que psalmodiait son fils.

"Nom de Dieu, Junior! dit-il d'un air excédé. Tu peux pas rester sage dix minutes!"

Il l'aida à se relever, puis le saisit par l'oreille et repassa devant le français.

"Vous allez pas repartir tout de suite, restez un peu, vous pourrez vous reposer et nous pourrons déguster le vin que vous nous avez apporté ensemble..." lui lança-t-il en passant.

Une fois à l'intérieur, il jeta littéralement son fils sur le canapé et croisa les bras en tapant du pied d'un air sévère. Tel un agent du gouvernement face à un prisonnier récalcitrant lors d'un interrogatoire, il parla d'une voix froide et dure.

"J'espère que t'as une excuse valable, cette fois. À moins que tu ne faisais que courir après les oiseaux."

Schelson resta figée la bouche grand ouverte, plongé dans ses réflexions. Puis il s'avança de deux ou trois pas, fixant l'inconnu qui se prenait pour un escargot. Puis Jones le bouscula pour aller voir ce qui se passait. Apparemment l'inconnu était son fils. Mais bon, il n'y avait pas de temps à perdre. L'agent français avait un avion à prendre pour Paris. Dans un grand geste lent, il saisit ses lunettes noires et les posa sur son nez toujours en douceur. Reprenant ses esprits, il ferma sa bouche et avait l'air on ne peut plus sérieux. Il s'apprèta à dire:

-Bon, eh bien, j'aurais aimé rester un peu plus longtemps, mais je vaiis m'en aller, aurevoir monsieur et mada...

Quand Jones l'interrompu pour lui proposer de rester ici quelques jours de plus. Schelson sourit à cette proposition mais hésita environ une minute, le temps que Jones parlait à son fils d'une voix qui lui rappelait la sienne pendant l'interrogatoire du général Apfelgluck en 1954. Il avait quelque peu peur de les déranger pendant le séjour.

*Bon, allez, en avant pour quelques jours de plus.*

-Bon, eh bien, allons pour quelques jours de plus ici, dit-il en souriant à son hote à présent derrière lui.